CINEMA DE L'IMAGINAIRE

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DAGON de Stuart Gordon

Dagon de Stuart Gordon

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Origine : Espagne (2001) – Genre : Fantastique, horreur – Durée : 01h35

Avec : Ezra Godden, Uxia Blanco, Macarena Gomez, Raquel Merono, Fransisco Rabal

Résumé : Paul Marsh est hanté depuis toujours par des cauchemars où il plonge dans les profondeurs de l’océan. Il va à la rencontre d’un puits abyssal dont l’entrée est un œil ouvragé en or et où il rencontre une jeune femme à laquelle il semble lié. La jeune femme nage sans masque et ressemble à une magnifique sirène pour Paul jusqu’au moment où elle tente de l’embrasser. Puis il se réveille aux côtés de sa compagne Barbara sur le bateau d’un couple ami (Howard et Vicki), avec qui ils naviquent le long des côtes espagnoles.

Bien que troublé par ces rêves, il n’y prête plus guère attention alors que le bateau mouille au large d’Imboca, petit village de Galice. Un chant mystique s’élève soudain du village. S’ensuit une tempête qui se forme immédiatement, précipitant le voilier sur les récifs. Vicki, alors réfugiée dans la cabine, est blessée dans l’accident. Howard reste avec sa femme tandis que Paul et Barbara accostent au village pour y chercher de l’aide. Le village étant désert, ils se dirigent vers la source du chant, l’église.

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Stuart Gordon, un immense réalisateur de genre n’ayant pas du tout la réputation qu’il mérite, n’en est pas, au moment de la mise en chantier de Dagon, à son premier coup de maître !

En 1985, il va déjà puisé dans la mythologie de H.P. Lovecraft pour réaliser Re-animator, librement adapté de Herbert West, réanimateur une nouvelle de l’auteur écrit dans les année 20. Ce premier film, mélange sympathique et ingénieux de gore, de tension dramatique, de suspense, d’humour et de fantastique le fait entrer directement dans la catégorie des cinéastes cultes. En effet, Re-animator obtiendra un succès immédiat et fera sensation dans de nombreux festivals. Spécialiste du gore donc, le cinéaste délaisse un peu ce qui a fait sa renommé pour Dagon, même si l’on retrouvera non sans déplaisir de parfaites petites séquences bien éprouvantes.

Stuart Gordon est aussi un brillant adaptateur car il ne se contente pas de suivre à la lettre les récits de H.P. Lovecraft. Il essaye toujours d’exploiter ce qu’il y a de plus cinématographique dans l’oeuvre de l’auteur ; le scénario et la mythologie sont traités avec la même exigence. Dans chacune de ces adaptations – sa quatrième pour Dagon, le cinéaste reste très fidèle au maître de l’horreur et respecte scrupuleusement toute sa cosmogonie fantasmatique et horrifique. Ainsi, le script de Dagon n’est pas l’adaptation d’une mais de deux nouvelles, à savoir, Le cauchemar d’Innsmouth et … Dagon, bien évidemment, écrite en 1931 pour la première et en 1917 pour la seconde. Toutes deux érigent et façonnent le Myhte de Chtulhu, univers dont le panthéon fait références aux « Grands Anciens », divinités très anciennes et puissantes venues de l’espace.

Avec une économie de moyen assez hallucinante, Gordon impressionne par sa créativité et son sens de la débrouille qu’il a aiguisé au fil des ans. Car le charme de Dagon fonctionne surtout parce qu’il possède cet esprit bis par excellence et qu’esthétiquement, il est formellement bien plus créatif et intéressant que de nombreuses et plus grosses productions du même genre. Les effets spéciaux sont de loin la plus grande qualité du film. L’imagerie toute lovecraftienne de Dagon fonctionne du feu de dieu grâce aux masques et prothèses en tout genre d’une incroyable variété et de très grandes qualités. Un réel travail d’orfèvre qui est toujours bien mis en valeur, et à part quelques effets digitaux moyennement convainquant, on tremblera du début à la fin devant cette parade de monstres aussi repoussant les uns que les autres.

Gordon a depuis très longtemps compris ce qu’était l’essence du cinéma fantastique. Car le récit de Dagon s’inscrit dans la grande tradition du genre fantastique plutôt que du film d’horreur pur. En effet, toute la narration s’articule sur un certain naturalisme, privilégiant surtout le réalisme, décrivant avec modération le comportement et les réactions des personnages et utilise à bon escient les codes du films d’horreur. Nous découvrons Imboca à travers les yeux de Paul Marsh, le protagoniste, et Stuart Gordon nous fait plonger littéralement dans ce village maritime le plus naturellement du monde avec très peu d’effet de mise en scène.

La grande force de Dagon repose sur ce partis pris d’une étonnante efficacité. Les cadrages anxiogènes alternant les plans inquiétants des décors de la ville et les plans serrés sur les visages, le montage dynamique sans temps mort qui ne troublent ni les ambiances glauques à souhait ni les jeux sans fausses notes des acteurs et la photographie à la fois lugubre et sordide signé David Martì (qui a gagné un prix pour son travail sur Dagon), hissent le film parmi les plus belles oeuvres du cinéma fantastique contemporain … et du cinéma tout court. De plus, l’absence de score – nous n’entendront quasiment aucune musique de fond pour appuyé les ambiances et le suspense – favorise remarquablement l’immersion et parvient presque à nous faire oublier qu’on regarde un film …

Le récit s’éloigne vraiment des sentiers battus et nous ne savons jamais à l’avance ce qu’il va se passer. Tout s’organise autour du principe fondamental du récit fantastique, à savoir le glissement progressif de l’ordinaire à l’extraordinaire. Comme l’explique Todorov dans son ouvrage Introduction à la littérature fantastique, le genre ‘fantastique’ se caractérise par un basculement du rationnel vers l’irrationnel. Dans Dagon, c’est cette démarche qui domine toute la première partie. Le goût du mystère est donc parfaitement bien entretenu et les rebondissements inattendus, les surprises incongrues rythment subtilement le récit. Comme Paul le personnage principal, le spectateur découvre en même temps que lui toute l’horreur qui groupille sous les façades de ce village maritime.

Parti à la recherche de Barbara, sa compagne, dans l’hôtel et les dédales insalubres d’Imboca, Paul sera confronté à une horrible réalité qui le dépasse et chaque nouvelle scène offre son lot d’étrangeté, de bizarrerie, d’effroi et de violence. Lorsque la véritable histoire de la ville nous sera enfin narré en flashback par Ezequiel, un vieil homme alcoolique (joué par Fransisco Rabal, un immense acteur espagnol prolifique qui mourra quelques temps après le tournage) – par un effet particulièrement bluffant et justifié de morphing – Paul bataillera de toute son âme pour sauver sa belle, prisonnière des griffes des monstres mi-hommes mi-poissons.

L’acteur Ezra Godden est tout simplement parfait dans ce rôle de nerd binoclard qui se transformera rapidement en homme d’action pour survivre au milieu de toutes ses créatures de l’enfer. Le parcours héroïque de Paul est d’ailleurs très intéressant à suivre. Présenté comme un scientifique pas très ouvert au monde extérieur et aux pulsions sexuels (en témoigne la première scène ou Barbara lui propose gentiment une petite gâterie), l’exploration d’Imboca le transformera profondément, physiquement et moralement, car sa survie va dépendre de son adaptation.

Au début, l’aventure ne le tente pas et c’est bien pour sauver Barbara qu’il passera par des étapes importantes. Paul puisera toute son énergie et sa vitalité dans ses pulsions, sa nature animale, délaissant totalement la raison et la morale qui n’a ici plus lieu d’être. Le rationnel et les valeurs humaines s’effondre dès son entrée dans Imboca, la ville étant sous l’emprise du dieu Dagon, une créature des profondeur qui contrôle les habitants depuis le fond des mers. Mais à travers ses péripéties, Paul découvrira une réalité bien plus énorme et importante qui le concerne directement et l’éloignera petit à petit de ses motivations initiales …

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Construit autour du récit initiatique, dont Dagon emprunte aussi toute la mécanique, Paul devra accepter sans sourciller sa destiné. L’ouverture du film, avec ce rêve étrange et symbolique ou Paul nage paisiblement dans l’eau au coté d’une magnifique sirène au visage lunaire qui le hantera pendant toute son aventure, n’est finalement qu’une nouvelle naissance pour le héros. Son réveil soudain, suivit du chant mystique et annonciateur de la sirène qui l’appelle depuis les berges, annonce alors l’odyssée cauchemardesque à venir ou lui sera révélé, au final, sa nature profonde.

Dagon déconcerte et fascine par son jusqu’auboutisme, sa poésie de l’étrange, son érotisme brut, sa noirceur envoûtante et sa folie douce ou le retour au ‘monde réel’ est impossible …

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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon

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BANDE ANNONCE :

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2EME SOUS-SOL de Frank Khalfoun

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 2EME SOUS-SOL (P2) de Frank Khalfoun

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BANDE ANNONCE

U.S.A. [2007] – Thriller, horreur

Avec  : Rachel Nichols, Wes Bentley, Simon Reynolds

Résumé : Le soir de Noël. Angela reste tard au bureau pour finaliser un contrat. Elle descend au parking pour prendre sa voiture qui ne démarre plus. Le gardien du parking lui vient en aide et lui propose de venir prendre un petit verre. Après lui avoir ri au nez, elle perd connaissance pour se réveiller ligotée dans la loge du gardien, bien décidé à la garder pour le réveillon.

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A gauche en sortant de l’ascenseur …

Pour fêter Noël avec la fille qu’il convoite, Thomas n’est pas le plus attentionnés et aimables des garçons, et c’est finalement tant mieux pour le cinéphile avide de sensations fortes que je suis ! Et puis comme je n’ai jamais frissonné dans les sous sols d’un immeuble, je me suis dis « allons-y ! Adviennes que pourra » !… Avez vous remarqués que les films d’horreurs se complaisent souvent à évoquer les lieux de l’action directement dans leur titre pour ne pas paumer le cinéphile mal orienté ? Amityville, Hostel, Le cimetierre des morts vivants, L’orphelinat, La dernière maison sur la gauche, La maison de l’horreur, La maison des 1000 morts, Titanic, etc etc. En ce qui concerne 2ème sous-sol écrit par Khalfoun, Aja et Levasseur, le titre Thomas est amoureux était déjà pris donc les auteurs ont une très bonne excuse pour ce coup là !

Bon ! N’y allons pas par quatre chemins ! Au bout d’un quart d’heure, il n’y a pas besoin d’être une lumière pour s’apercevoir que le film a été écrit avec les pieds (si je fais les comptes, ils sont 6 pieds sous terre …). Et comme on sait qu’ils étaient trois pour écrire le scénario, je crois bien que c’est cela qui fait le plus flipper dans le film, en fait ! A quand un livre intitulé « La dramaturgie pour les Nuls dédié aux cinéastes d’horreur sans inspiration » ? Pourquoi ses trois grands garçons s’en tiennent ils à la trame la plus usitée du monde, avec, pour seule originalité (comprendre ‘idée’), un simple décor à exploiter plus en large qu’en long où s’agite une charmante idiote poursuivit par un psychopathe en manque d’amour ?

Car si je fais le bilan quand tombe le générique, je suis consterné ! Niveau psychologie ? Zéro. La persécutée comme la persécuteur récitent des textes archi-convenus et les motivations psychopathologiques de ce dernier n’ont aucune crédibilité dans ses propos et ses agissements. Tension et suspence ? Zéro. Aucune séquence vraiment angoissante si ce n’est à la fin de la première heure quand un ascenseur se transforme en piscine. Le huis clos n’est jamais exploité donc on s’ennuie assez vite. Scènes sanglantes ? Tout juste trois. Heureusement, j’ai pu frissonner le temps de quelques secondes car quand ça saigne et ça cogne, c’est très frontal et percutant et on a mal pour les personnages : dommage que dans les courts instants qui suivent, le malaise se brise soudainement à cause des dialogues et réactions vraiment stupides. Ca n’aura pas duré très longtemps mais j’aurais au moins le sentiment de ne pas avoir perdu mon temps en contemplant avec délectation ma dose de sang et de violence brutale ! En fait, c’est en soit assez dure de perdre son temps quand la splendide Rachel Nichols courent dans tous les sens pour sauver sa peau … splendeur vêtue bien évidemment d’une simple et magnifique robe blanche, trempée les deux tiers du film (grâce à l’ascenseur-piscine), avec, en plongée, une très belle vue sur la mère !

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C’est normal en même temps de devenir complètement fou quand on passe ses jours et ses nuits à observer une employée aussi canon qu’Angela (même pour le prénom ils ne sont pas foulé dis donc !). Comment ne pas tomber amoureux !! Physiquement et techniquement, Rachel Nichols est tout à fait taillée pour ce genre de rôle et je regrette vraiment l’incompétence des scénaristes qui n’ont eut aucune inspiration pour la caractérisation des personnages et les mises en situation. Si j’ai voulu regarder ce film pas tellement recommandé sur le net aux vues des notes plus que mitigées qu’il se paye, c’est essentiellement pour la plastique absolument parfaite et la suave bestialité de l’actrice qui sait réellement bouger et se mouvoir devant une caméra. C’est d’ailleurs pour ces qualités précises qu’elle avait été choisit pour remplacer Jennifer Gardner, alors enceinte, dans la dernière saison d’Alias, série télévisée de J.J. Abrams qui laissait la part belle à ses héroïnes. Mais aussi parce que, des mêmes auteurs, j’avais beaucoup aimé leur récent Maniac sortit l’année dernière, remake d’un film du même nom de William Lustig réalisé en 1980 (1). Au moins, il est plaisant de constater qu’ils ont artistiquement évolués.

Visuellement, le film est plutôt soigné et pour une première réalisation, Frank Khalfoun ne démérite pas. Si l’ultime scène d’action manque un poil de rythme et de réalisme, on peut le féliciter pour les scènes sanglantes d’une belle efficacité : les effets spéciaux sont eux aussi très réussit et je me console donc sur ces menus détails afin de me persuader que je n’ai pas perdu mon temps … Et merci Rachel !

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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon

(1) – chronique du film Maniac sur 7ème Sens

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